Partagés entre deux mondes

Ancien militaire spécialisé dans le renseignement, aujourd’hui préparateur mental. L’écriture m’accompagne depuis l’enfance, portée par un besoin vital de donner du sens et de raconter le monde. Mon parcours atypique, entre terrains de guerre et quête intérieure, nourrit une plume engagée et profondément humaine.

Partagés entre deux mondes est un roman de science-fiction et d’introspection, qui questionne notre époque à travers le parcours d’Aliya, une jeune femme propulsée dans une société utopique où tout semble parfait… en apparence. Derrière cette façade de paix et de progrès se cache un système de contrôle total, étouffant les libertés et les rêves. À travers ce récit, j’aborde les thèmes de la manipulation, de la liberté individuelle, de la résilience, mais aussi du courage de ceux qui choisissent de résister. Mon expérience de militaire, déployée dans plusieurs zones de conflit (Afghanistan, Mali, Tchad), infuse ce roman d’un réalisme brut et d’une dimension géopolitique forte. Ce livre s’adresse autant aux passionnés de science-fiction qu’aux personnes sensibles aux enjeux humains liés à la guerre, aux dérives du pouvoir et aux traumatismes invisibles des soldats. C’est un voyage entre deux mondes, entre le réel et le symbolique, qui invite à réfléchir sur ce que nous sommes prêts à sacrifier pour vivre libres.

Extrait du livre :

L’air devient irrespirable. Le silence, oppressant. J’observe les visages des hommes, leur colère retenue, leur dégoût, leur humiliation. Mais plus encore, leur fatigue. Que s’est-il passé durant cette opération ? Je regarde Nate, cherchant une réponse. Il baisse les yeux, mais d’un léger hochement de tête, il me fait comprendre : Je te raconterai. Pour rompre la tension, Nate, souvent désigné comme le DJ des soirées, lance une musique entraînante sur son téléphone. L’atmosphère s’allège peu à peu. Lulu remplit les verres, et une nouvelle partie de cartes commence. Plus tard, l’un après l’autre, Nate et moi quittons la soirée, prétextant aller nous coucher. Mais nous nous retrouvons cent mètres plus loin, sur la piste. Il fait nuit noire, la lune est absente. Là, enfin, je peux le serrer contre moi. Sentir son corps contre le mien. Écouter son souffle dans mon cou, respirer son odeur. Il est là, bien vivant. Écorché à l’intérieur, mais entier physiquement. Notre petit coin habituel a disparu. Le camp de tentes de passage, situé juste entre nos deux unités, a été entièrement démonté. Nous partons donc à la recherche d’un nouvel endroit. Nate, qui connaît la base comme sa poche, en trouve un assez rapidement, tout au fond du camp. Ce sera, pour les prochaines semaines, notre refuge. Notre petit cocon. Une bulle de réconfort. Un fragment de paradis. Pourtant, ce n’est rien de plus qu’une simple bâche posée au sol, au fond d’une tente vide : la tente n° 46. Ce soir-là, je ne cherche pas à en savoir plus sur sa mission. Il est là, vivant, respirant contre moi. Et tout ce que je veux, c’est qu’il s’évade dans mes bras. Demain sera un autre jour. Le soleil ardent se lèvera à nouveau, déchirant l’horizon au fond du désert. Comme chaque matin, je me lèverai avec lui pour observer sa naissance et profiter de ses premiers rayons, doux instants de répit avant qu’ils ne viennent brûler ma peau. Je le verrai poindre, rougeoyant, tel une goutte de sang sur la ligne de l’horizon. Et, comme toujours, j’aurai cette étrange impression, un mirage persistant, qu’au bout de la piste s’étendra l’immensité de la mer. Mais lorsque mon front viendra toucher le grillage froid, mes rêveries matinales s’évanouiront, me ramenant à la réalité : il n’y a là que le désert. Un désert sans fin, indéfinissable, qui s’étire entre lui et moi. Et au milieu, une guerre. Une guerre sans pitié, sans éthique, qui fait rage. Je ferai alors demi-tour, tournant le dos à cette immensité, et je reprendrai ma foulée saccadée le long de la clôture. Cette mince barrière de métal, fragile en apparence, me procure pourtant un étrange sentiment de sécurité. Mais finalement, ici aussi, je suis en cage. Différente de celle de l’autre monde, mais une cage tout de même. Mes rêves, eux aussi, se sont envolés. Pourtant, chaque nuit passée dans les bras de Nate me fait oublier tout le reste. Ce que je vis avec lui vaut mille rêves.