L'Asso

Selon des témoignages dignes de foi, Justin Hurle serait né dans les bras d’une rebouteuse transformée en sage-femme pour l’occasion. Une situation qui aurait pu paraître banale pour l’époque, si celle-ci ne s’était pas déroulée sur la pierre tombale de feu sa troisième belle-mère, morte et toute fraîche enterrée.

Les mœurs d’alors poussaient inexorablement les membres d’une famille à se réunir au cimetière chaque fois qu’un des leurs trépassait. Aussi, ils n’en finissaient pas de se présenter devant le curé pour tantôt enterrer une grande-tante acariâtre, tantôt marier la cousine avec un abruti de première ou baigner dans la cuvette bénite le dernier chiard né il y a deux mois. Voilà pourquoi Justin n’apprécie guère le mariage et la piscine municipale. Suite à cette vie quasi-cléricale, il s’est employé activement à écrire parce qu’il n’avait rien à dire d’important. Mais surtout pour exercer le seul métier manuel qui permet d’ouvrir sa gueule en silence (d’où son patronyme, assurément).

L’ASSO (titre provisoire) est un court roman centré sur le masculinisme, la corruption locale et le handicap qui a pour vocation d’être lu à une époque où la lecture se parcourt en diagonale sur un écran bourré aux terres rares. Ce n’est donc pas gagné… D’autant plus que cette proposition dramatique n’est pas encore publiée. C’est dire si je me projette dans l’avenir avec enthousiasme ! De surcroît, je ne peux plus rien faire de ce thriller, tant j’y ai passé du temps à l’écrire, à la réécrire et à la re-réécrire. Que vos regards de lecteur viennent y prendre toute leurs parts, afin qu’il m’échappe enfin !

Extraits 

Une mouche verte métallisée, hérissée de poils noirs humides, surgit du dehors par un trou de souris, traverse le hall de la salle de sport, bourdonne en rase-motte au-dessus du bar associatif et évite la gifle du flic qui, derrière le zinc, tapait sur une caisse enregistreuse. Elle redresse la ligne, met le cap sur le fond de la salle et cogne l’un des néons jaunâtres suspendus au-dessus des haltères alignés sur le rack. Désorientée, elle file plein sud pour s’encastrer sévère dans la bouche d’aération d’une VMC qui ne fonctionnait plus. Elle y retrouve ses congénères mortes depuis des lustres. C’est pourquoi la salle sentait toujours la sueur. Les effluves de corps humains ne pouvant être expulsées du bâtiment, avaient pénétré les selleries, les tapis, la moquette, le parquet – même les douches ! Et ne parlons pas du sauna. La salle puait le fauve, le chien mouillé et la mouche à merde.

Le parfum n’incommodait pas Axel. L’habitude ? Sûrement. Il paraît que vous ne sentez plus la mort dans les abattoirs au bout de trois semaines. Les clients partis, il avait tourné la clé pour s’entraîner seul. Lui, les machines modernes, il les snobait – préférant les disques et haltères en fonte. Sa pratique sportive lui réussissait. Pour s’en convaincre, il suffisait de le regarder besogner. Ses cuisses d’haltérophile repoussaient sans peine l’imposante charge placée sur les épaules. Un souffle fort ponctuait chaque extension de jambes. Suivait aussitôt une flexion dont on pouvait craindre un écrasement fatal des vertèbres, tant la barre s’incurvait sous le poids des disques. Malgré la charge, il maintenait une cadence infernale que seul un cyborg pouvait soutenir. Ou un type mû par une colère noire.

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Le corse dégaina et plaça son calibre sur le bureau – effet garanti, pensa-t-il en s’asseyant.

Axel franchit le seuil en sentant le parfum de l’intimidation. Regards croisés, absence de parole, un sourire en coin. Initiative. Axel allait s’asseoir sur l’une des deux chaises libres…

« Inutile de t’asseoir, fit sèchement Lecorse. Quand m’envoies-tu ta démission ?

– Je t’ai déjà dit que je ne démissionnerai pas, reprit Axel qui s’évertuait à ne pas regarder de travers la pétoire.

– Alors je te vire. Tu vas recevoir un courrier…

– Pour quel motif ? coupa Axel. T’as aucun motif !

– J’en trouverai un. C’est pas ce qui manque, les motifs… fit Lecorse, en se levant et pointant le calibre vers Axel. Dès que tu reçois le courrier, tu ne reviens pas. 

Lecorse contourna le bureau, bouscula Axel d’une épaule et se retourna une fois sur le seuil :

– Ce soir, tu tortilles du cul à ton cours de fitness, tu fais les vestiaires et tu reviens pas. »